Monsieur S., c'est mon chef. The big boss. Un grand monsieur. Littéralement (et "que" littéralement). Il a une carrure massive, une voix forte, et du charisme.

Monsieur S. a toujours raison.

Monsieur S., parce qu'on a 25 ans, qu'on est stagiaire, et de surcroit une femme, pense qu'il vaut mieux que "on".

Qu'il a vu plus de choses. Lui, à notre âge, il faisait son service militaire. Lui, à notre âge, il en avait connu des coups sur les doigts à l'école... Nous les jeunes, les épreuves, on connait pas.

Alors l'irréprochable Monsieur S peut se permettre de me manquer de respect. Ben oui, je suis pas fute-fute. Oui voilà même un peu con, il faut le dire. Oui j'ai aussi la mémoire qui flanche. Et puis j'ai rien vécu.

Ah si...

J'ai supporté et encaissé vos mails et pseudos réflexions sur un débat d'actualité qui pourrait un jour me concerner

J'ai supporté vos reproches sans queue ni tête sur mon travail et ma personnalité

J'ai rechuté suite à vos injures à peine voilées et vos accusations complètement tirées par les cheveux

J'ai pris le vélo, deux heures par jours pendant un mois, pour venir faire œuvre de figuration dans un bureau vide, sale et puant,

J'ai déjà connu le froid, la faim, la fatigue immense, et la dépendance

Je me suis usée pour un projet qui n'était pas le mien alors que je me reconstruis à peine

Vous me débectez Monsieur S. J'aimerai, j'adorerai vous dire tout cela en face. Vous dire qui je suis, ce que je vis. Vous dire que votre comportement est complètement indigne de votre fonction. Et que vous jugez les gens bien vite, et à tort : je suis haut potentiel, dépressive, boulimique, et - ô mon Dieu ! - bisexuelle ! Vous auriez su...

Et vous, vous n'êtes qu'un relan puritain de cette société d'autruches consommatrices qui se gargarise de bondieuseries pour se voiler la face.

L'idiot du village, navrée de vous l'apprendre, c'est bien vous.