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Ma collègue

Ma collègue

Ma collègue est venue me voir un jour dans mon bureau. Le chef n'était pas là, et il n'y avait pas grand monde à l'accueil.

Elle a d'abord frappé doucement sur la porte en bois avant d'entrer, le teint halé, l'air assuré. Elle est toujours pimpante, bien habillée, bien maquillée et avec un gout prononcé pour les accessoires. Ses kilos en trop lui vont bien et contribuent à son air affable. 

V. a deux enfants, qu'elle chérie énormément, un mari aimant, une maison, une belle voiture, bref, elle a "tout". 

Pourtant, à l'instant où elle rapprochait une vieille chaise de mon bureau pour s'y asseoir et prendre un peu de temps pour papoter, j'ignorai qu'elle terrait en son sein un malaise, un mal-être qui la tourmentait.

Nous avons un peu discuter du boulot, du temps, et puis de fil en aiguille, de la vie. 

"Tu sais J., moi et la bouffe c'est compliqué : il y a des soirs où je pose un tabouret devant mon frigo, et je le vide. Je mange tout, tout y passe, sans retenu. C'est comme une drogue, j'arrive pas à m’arrêter, je suis boulimique, vraiment."

Ca m'a fait de la peine. Elle qui semblait si assurée avait une faille considérable qu'elle comblait par la boulimie (ou l'hyperphagie plutôt).

J'aurai pû lui dire que je savais très bien de quoi elle parlait. Mais j'ai fait mine d'ignorer ce qu'était la boulimie. V. avait besoin de vider son sac. J'accentuai le trait de mon ignorance feinte pour cacher mon trouble.

Elle m'en a reparlé plus tard. Là j'aurai pû dire que je savais ce qu'elle vivait parce que moi même je l'avais vécu. Je n'en ai pas eu le courage. En parler m'est encore difficile, compliqué : ma gorge se serre, mes tripes se tordent. 

La boulimie touche un public plus large encore que je n'aurai cru. V. n'est pas suivie. Elle appartient peut-être à une génération où aller voir un psy est encore difficile, non sans apriori et craintes.

Quelles saloperies décidément que ces TCA....